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errare, atque viam palantis quaerere vitae
24 juin 2011

Retour à Bristol, une dernière fois. Je retrouve

Retour à Bristol, une dernière fois. Je retrouve ce blog et mes derniers articles avec plaisir, mais avec un regard différent – il me semble que je suis sortie de la solitude qui vous enferme à l'écart du monde, que la réalité m'a rattrappée lors de mon passage à Paris. Je sais désormais que l'an prochain, je travaillerai sur Platon sous la direction de monsieur D., qui m'a donné des devoirs de vacances pour définir un sujet  : la porte de l'avenir s'ouvre, j'ai fait un premier pas sur le seuil.

Il pleuvait quand je suis allée voir monsieur D. Je tremblais comme une feuille sous mon parapluie, sur le chemin de la Sorbonne. Je craignais d'avoir trop peu de choses à lui dire, de l'importuner pour trop peu. En effet, l'entretien a été bref – un quart d'heure, peut-être –, mais nécessaire, je crois. Comme monsieur P. l'avait prédit, et comme A. me l'avait confirmé, ce grand homme qui préface les éditions de poche d'Homère, Platon et Sophocle s'est avéré d'une gentillesse incomparable, et très à l'écoute du peu que la petite étudiante de licence trempée de pluie qui se trouvait ce matin-là dans son bureau avait à lui dire. Je crois n'avoir bafouillé à aucun moment devant cet homme droit, simple et bienveillant, tout à fait dépourvu de la rigidité tendue de mon grand-père à qui j'avais d'abord craint qu'il me fasse penser. Tout dans son attitude inspirait la confiance et le respect. Chaque mot qu'il prononçait me semblait le mieux choisi, le plus humain – ce mot idéal que je cherche toujours, je crois, mais trop souvent sans le trouver, quand je m'adresse à autrui. Quand je suis partie, en le remerciant, il m'a souhaité avec un franc sourire un "bon été platonicien". Cet homme m'a fait l'effet d'un sage, d'un juste, et cette image m'a hantée le reste de la journée. Il m'aura suffi d'un quart d'heure pour l'admirer – mais c'est plus que de l'admiration : il me semble avoir rencontré une sorte d'être humain dont je croyais l'existence impossible. Mon souvenir de cet entretien a presque la texture du rêve – et c'était pourtant si réel, un moment de réalité profonde qui commençait à dessiner concrètement l'année à venir.

Ce mois de juin a aussi été le moment de remercier monsieur P. d'avoir été si présent (j'aurais dû ajouter : et si patient) pour moi cette année. J'ai un peu espéré le croiser quand j'errais dans le quartier latin, mais ne l'ai pas vu. Il a fini par me répondre un message plein d'une gentillesse peut-être un peu excessive en regard de celle, parfaitement juste, de monsieur D., mais qui me va droit au cœur – et qui sonne juste en réponse à l'excès dans la confidence auquel j'ai parfois dû me laisser aller, cette année. Il me dit, entre autres, que j'écris très bien. Ce compliment qui m'a toujours été fait, à part C., par des gens de mon âge absolument pas versés dans la littérature et qui s'émerveillaient trop facilement de ma capacité à aligner trois mots, me touche beaucoup de la part d'un agrégé de lettres classiques que je sais, pour l'avoir entendu commenter Platon, fin observateur des styles littéraires. Pas de fausse modestie : je sais que je sais manier le français écrit, mais je sais aussi que je ne suis pas Rousseau (bien que je lui ressemble sans doute, parfois, dans ma tendance à l'introspection !). Comble de la gentillesse, il ajoute même que je ne dois pas hésiter à le solliciter encore, s'il peut m'aider, en cette fin d'année, et me donne la date jusqu'à laquelle il reste à Paris. L'idée de le voir quand je rentrerai me réjouit et me gêne à la fois : je me rappelle Pi. qui avait surpris notre conversation et mon sourire un peu trop heureux en sa présence. Je sais que mon affection pour ce professeur a quelque chose d'un peu excessif. Lui-même, apparemment, la prend bien, et semble même me la rendre un peu ; mais je crains les regards extérieurs. Ils sont salutaires pourtant : il maintiennent dans la réalité, fixent et rappellent où se trouvent les limites. Je dois les voir comme des alliés plutôt que des ennemis : ils m'aideront à trouver la juste attitude. Je crois donc que je vais solliciter une discussion avec lui ; ce sera l'occasion d'avancer au sujet de questions que je me pose sur l'année à venir, qui m'enthousiasme mais m'effraie aussi beaucoup, et d'avoir le plaisir de le voir une dernière fois avant de partir en vacances.

L'année se termine ; je sens qu'une page se tourne. Ces deux années que je viens de vivre sont celles dont j'avais construit le projet au moment de l'ouverture de ce blog. Il me semble juste de le fermer avec elles. Autre chose commence – les choses sérieuses, il me semble –, je crois que c'est le moment d'ouvrir avec elles un autre espace.

Mais je crois pouvoir dire que ces deux années furent vraiment très belles, et que ces pages qui les ont accompagnées vont beaucoup me manquer.

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